FORMATION EN ENTREPRISE RETOUR SUR L’INVESTISSEMENT SOUS-ESTIMÉ PAR LES PME

Dans le contexte actuel de la Covid-19, on parle beaucoup d’impacts négatifs sur les PME québécoises. Cependant, avec la rentrée, certaines PME ont de gros carnets de commandes et les activités tournent à plein régime. Il faut alors livrer la marchandise…Beau problème !

 

Avec, l’optimisation des méthodes de production, l’arrivée de nouveaux équipements, de nouvelles exigences et nouvelles normes (lire ici : mesures sanitaires), le lancement de nouveaux produits et services…plusieurs PME se réinventent sans cesse et la roue n’arrête pas de tourner pour autant ! Il y a donc une pression qui oblige à maintenir les compétences des employés à jour et de façon continuelle. On comprend donc pourquoi la gestion de la formation en entreprise est toujours un “must”, surtout actuellement.

 

Afin de mieux comprendre ce qui peut être réalisé et maintenu quant à la gestion de la formation des employés, David Lampron, associé de L’Équipe Humania, s’est entretenu avec Marie-Josée Legault, consultante en développement des compétences et partenaire de l’Équipe Humania depuis 2008.

              Marie-Josée Legault

DL : Marie, pourquoi une PME devrait s’intéresser à la formation des employés et au développement des compétences ? J’ai entendu un dirigeant me dire récemment qu’il avait d’autres “chats à fouetter” !

 

MJL : Hé bien ! C’est dommage pour lui, parce que c’est justement ça gérer ses ressources ! C’est un incontournable. Les PME veulent répondre au besoin d’optimiser la production. Elles veulent améliorer la façon de produire, mais elles veulent aussi répondre aux demandes des clients en innovant, en commercialisant leurs nouveaux produits et en répondant toujours plus efficacement aux exigences des marchés qu’elles desservent. La formation des individus est directement reliée à la capacité de croissance dans ce contexte. Il n’y a peut-être pas assez de démonstration claire du retour sur l’investissement…

 

DL : Tu as raison, la formation est souvent tenue pour acquise, on se dit que c’est essentiel sauf que, quand les contraintes aux opérations se font ressentir, on a de la difficulté à libérer les ressources et à prendre du temps pour ça…

 

MJL : Et c’est une spirale sans fin : moins j’ai de temps à consacrer à la formation, plus je suis vulnérable et plus je manque de ressources qualifiées. Quand on me pose la question: « Quel est le retour sur l’investissement ? » Je réponds souvent par une autre question : combien ça coûte perdre un gros contrat ?

 

DL :  Il faut donc trouver une façon de “casser” ce cycle. Qu’est-ce que tu proposes pour arrêter de tourner en rond à ce niveau ?

 

MJL : Je pense que c’est un sujet complexe et chaque entreprise a ses enjeux, mais il y a une façon de démarrer un changement qui a bien fonctionné avec nos clients et c’est de réaliser un “mapping” des compétences dans l’entreprise. C’est étonnant combien d’entreprises n’ont JAMAIS fait cet exercice !

 

DL : Une matrice de compétences, oui nous en avons fait plusieurs pour nos clients. C’est vraiment éclairant pour eux.

 

MJL : Oui tellement ! Cet outil permet d’identifier les compétences clés et par qui elles sont détenues. Par la suite, on peut faire évoluer l’outil en l’alimentant au fur et à mesure. Comme ça, on ne perd jamais de vue le portrait général des compétences de nos employés. On peut aussi développer une matrice de flexibilité. C’est un “one-pager” permettant de savoir quelles sont les qualifications par poste de travail. Grâce à la matrice, on peut prendre de meilleures décisions concernant la formation des employés par la suite !

 

DL : Lesquelles décisions ?

 

MJL : Par exemple, quel poste ou quelle compétence devrions-nous prioriser dans le cadre de nos formations à la tâche ? Chez un client, on avait créé le concept de compétence “anti-goulot”. Autrement dit, nul besoin de former un employé sur l’ensemble des tâches à un poste. Si une tâche est cruciale afin de pouvoir désengorger la production, il faut former davantage d’employés sur cette tâche pour avoir moins de ralentissement en production. Il faut aussi s’assurer d’avoir suffisamment d’employés compétents à cette tâche. Sans matrice de compétence, ça devient très difficile à identifier.

 

DL : Est-ce un outil qui s’applique dans toute les types et grandeurs de PME ? J’ai l’impression souvent qu’il suffit d’avoir des superviseurs qui sont capables de retenir cette information dans leurs têtes…

 

MJL : Oui, c’est applicable à tous les contextes. Et non, la formation n’est pas que l’affaire de quelques superviseurs. C’est l’affaire de tout le monde ! Il y a des enjeux de productivité et de santé-sécurité très importants en PME. Si on ne rend pas cette information-là accessible à tout le monde y compris nos employés, on se prive d’un outil de mobilisation important. Historiquement, les PME ont formé et développé en fonction des forces et des intérêts de chacun. C’est bien, mais ce n’est malheureusement pas stratégique. Ça prend un portrait des forces et des intérêts…de l’entreprise ! Ça ne veut pas dire d’arrêter de prendre en considération les forces et intérêts de nos employés. Il faut simplement arrimer les deux tableaux.

 

DL : Comment tu réalises cette matrice de compétences ou de postes ?

 

MJL : Puisque que nous ne sommes pas des experts techniques, notre rôle est de parler aux experts sur place et d’extraire quelles sont les compétences techniques nécessaires à détenir par métiers. Je me suis développé une niche dans plusieurs contextes manufacturiers très techniques (comme les ateliers d’usinage par exemple). Ça devient plus facile d’extraire les bonnes compétences. Le savoir-être doit aussi en faire partie, surtout en 2020 avec la nécessité de résoudre des problèmes complexes et de s’adapter aux changements.

 

DL : OK, donc matrice de compétences ou par poste : check ! Mais on ne s’arrête pas là…

 

MJL : Non, évidemment. Une fois les compétences par métier identifiées, il faut évaluer la maîtrise des compétences de chacun de nos employés. Et puis, il faut la tenir à jour dans le temps. Honnêtement, il y a une question de rigueur dans cela et de gestion des priorités de chacun, en particulier pour la fonction de supervision. Il faut souvent les accompagner !

 

DL : Et ça donne quoi au final ?

 

MJL : Ça peut devenir quelque chose qui peut carrément changer l’avantage concurrentiel de l’entreprise. Ça permet par exemple de développer des grades pour certains postes clés, parce que l’on aborde le niveau de responsabilité selon les postes. Autrement dit, certaines compétences sont plus facilement observables, mais d’autres moins évidentes et plus nichées. Ça nous amène presque toujours à vouloir développer ou améliorer les plans de formation à la tâche. Et donc permettre à nos employés-formateurs, nos experts sur place, d’être mieux encadrer et structurer lorsqu’ils transmettent leurs formations aux apprentis.

 

Ça va aussi déterminer les besoins de formation de nos experts, comme la formation des formateurs…

 

DL : C’est vrai que ce n’est pas parce qu’on est un expert que l’on sait bien comment transférer son savoir à un autre…

 

MJL : Oui, et ça s’apprend ! On a longtemps pensé que de laisser le développement des compétences à nos experts était suffisant. Mais il faut les appuyer là-dedans. J’ai donné beaucoup de formation aux formateurs, le fameux “train the trainer”. Les participants améliorent leur confiance dans leur capacité à livrer des formations sur le terrain grâce à cette formation. Ils appliquent des pratiques basées sur l’andragogie et une méthodologie qui tient compte du “pourquoi” on exécute certaines tâches. Ça donne du sens à la formation et ultimement au poste que l’on occupe.

 

DL : Bon, j’espère que l’on va convertir des PME à investir des ressources et du temps dans la formation des employés!

 

MJL: De toute façon, je reviens souvent à l’adage qui dit ceci : si vous n’avez pas le temps de former vos employés, essayez l’ignorance : vous m’en donnerez des nouvelles !

 

 

Vous cherchez un retour sur investissement pour vos formations à l'interne?

Prenez rendez-vous avec un associé dès maintenant pour en parler davantage